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L’ancien chef de l’État ivoirien, Laurent Gbagbo, président du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), n’a pas franchi la ligne rouge lors de l’entretien de cinquante minutes accordé à Alain Foka, et diffusé sur YouTube le mercredi 22 octobre 2025. Toutefois, les divergences et le contentieux qui l’opposent au pouvoir en place, et notamment au président Alassane Ouattara, demeurent profonds.

Dans ses propos, Laurent Gbagbo a de nouveau mis en cause le RDR et Alassane Ouattara dans la rébellion des années 2000, sans pour autant apporter d’éléments nouveaux par rapport au face-à-face de 2010 au cours duquel il avait annoncé des preuves en béton. Il s’est attardé sur les griefs du passé, tout en semblant épargner la part de responsabilité du PDCI-RDA dans cette période troublée, ce qui laisse penser qu’un tel recul serait aussi possible vis-à-vis du RDR et du RHDP.

Laurent Gbagbo reste discret

Sur son propre parcours, et notamment son accession au pouvoir dans des conditions difficiles en 2000, Laurent Gbagbo reste discret. Il passe également sous silence les événements de 2004 et les mesures prises à l’époque contre les militants de l’opposition. Cette attitude soulève une question : le moment n’est-il pas venu de tourner définitivement la page de ces blessures anciennes ?

Calcul politique

Installé en Côte d’Ivoire , Laurent Gbagbo sait que tout appel public à la mobilisation ou au boycott peut avoir des conséquences sur la stabilité du pays, et également le mettre dans le collimateur de la justice. En effet, dans un contexte fragile, une déclaration perçue comme incendiaire et mettant effectivement le feu aux poudres peut l’exposer à des accusations de responsabilité ou de culpabilité au même titre que les autorités.
L’exemple du Kenya, où pouvoir et opposition avaient été poursuivis devant la CPI après les violences électorales, reste présent dans les esprits. De même, Laurent Gbagbo ne semble pas disposé à assumer les conséquences d’un éventuel échec si l’appel au boycott ne produisait aucun effet, ou si l’élection se tenait malgré tout.

Contrairement à d’autres figures de l’opposition telles que Damana Pickass, Habiba Touré, Tidjane Thiam ou Pulchérie Gbalet, qui se trouvent à l’étranger d’où elles appellent à manifester , Laurent Gbagbo est sur le terrain. Il conserve d’ailleurs une porte ouverte au dialogue, en évoquant la participation de son parti aux législatives du 27 décembre 2025.
Cependant, il peine à assumer pleinement l’appel à la retenue et à la responsabilité qu’il a lui-même souvent prôné, faisant penser à la célèbre image du jugement de Salomon : mieux vaut sauver l’enfant que le couper en deux. En l’occurrence, l’enfant, c’est la Côte d’Ivoire.

Responsabilité partagée

les décisions du Conseil constitutionnel

Le RHDP, de son côté, en donnant pour instruction aux forces de l’ordre d’éviter tout drame et de limiter les violences, manifeste une volonté de préserver la stabilité nationale. De même, Laurent Gbagbo, en s’abstenant d’appeler à un blocage total du scrutin, contribue indirectement à éviter une escalade. Les deux camps semblent conscients de la nécessité d’éviter une destruction irréversible du pays.

Laurent Gbagbo a souvent rappelé que la paix dans une nation dépend aussi de la posture de l’opposition. Il a lui-même reproché à ses adversaires d’avoir choisi la voie de la violence et de la rébellion. Dès lors, peut-il aujourd’hui adopter cette même attitude, alors que les traumatismes des crises de 1999, 2002 et 2010-2011 demeurent vifs dans les mémoires ?
Même s’il conteste les décisions du Conseil constitutionnel, peut-il légitimement reproduire ce qu’il a reproché à ses anciens opposants ?

Réalités politiques

Laurent Gbagbo n’ignore pas que, sans l’intervention internationale — notamment celle du président français Nicolas Sarkozy —, l’issue de la crise de 2010-2011 aurait pu lui être favorable. Il connaît les rapports de force et admet, implicitement, qu’ils sont aujourd’hui en faveur du président sortant. Jusqu’à nouvel ordre.
Le fossé personnel et politique entre lui et Alassane Ouattara semble difficile à combler, même dans l’hypothèse d’une amnistie à venir d’ici fin decembre 2025. Pourtant, l’espoir subsiste que le temps et la raison puissent ramener les protagonistes vers un dialogue véritable, au service de la cohésion nationale.

la stabilité est préservée

Enfin, on notera que le journaliste Alain Foka, qui se voulait sans tabou, a soigneusement évité toute question directe sur Simone Gbagbo. Le sujet a été effleuré à travers le refus d’une consigne de vote en faveur d’un candidat, alors que Ahoua Don Mello a été directement flingué. Pourquoi Laurent Gbagbo ou Alain Foka ont-ils refusé toute question sur Simone Gbagbo ? Si la situation devait dégénérer, ou si elle est favorable aux manifestants Laurent Gbagbo pourrait faire prévaloir son soutien , même s’il n’a pas lancé d’appel dans ce sens. En revanche, si la stabilité est préservée, il pourra se prévaloir d’avoir fait preuve de retenue et de sens des responsabilités — qualités qui, mieux que la rancune, peuvent encore contribuer à la paix en Côte d’Ivoire. L’ex chef de l’État, veut gagner à tous les coups !



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