Au sein de l’Alliance des Etats du Sahel, les civils subissent d’un côté les attaques des terroristes, de l’autre les représailles de leur armée. Le retrait récent de l’AES de la CEDEAO réduit davantage leurs chances d’avoir accès à la justice.
Malgré les promesses du gouvernement de transition, les situations sécuritaire et humanitaire au Burkina Faso deviennent de plus en plus critiques. De janvier à août 2024, plus de 6000 personnes ont perdu la vie. Ce chiffre pourrait s’avérer en dessous de la réalité, en raison d’un manque d’informations lié au musellement et aux agressions contre des journalistes et des opposants.
Les droits humains font face à de nouveaux dangers. Une source du gouvernement aurait émis la possibilité que les autorités au pouvoir réfléchissent à rétablir la peine de mort, alors que la dernière exécution officielle a eu lieu en 1988.
Au Mali et au Burkina Faso, des civils massacrés
Les attaques djihadistes se sont multipliées au cours des dernières années. Le rapport du Global Terror Index indique un nombre de décès lié au terrorisme dans le Sahel ayant « presque décuplé depuis 2019 ». Les données de l’Institute for Economics & Peace montrent une recrudescence des attaques entre 2022 et 2024, soit depuis la transition gouvernementale du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, des faits d’exécutions de civils par les forces armées auraient eu lieu au Burkina Faso et au Mali. Ainsi, les données de l’ACLED (Armed Conflict Location and Event Data) estiment à plus d’un millier le nombre de citoyens tués par les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et l’armée dans la période de janvier à juillet 2024.
En mars 2025, à Solenzo, des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des hommes armés, dont l’uniforme correspond à celui des VDP, circuler parmi des cadavres et insulter des civils prisonniers. À ce jour, les autorités nient toute implication militaire dans ce massacre, mais tardent à lancer des enquêtes. Au Mali, les civils sont victimes d’exactions à la fois des terroristes, des Forces armées maliennes (FAMAs) et de leurs supplétifs russes, affiliés au groupe paramilitaire Wagner. La communauté peule est particulièrement touchée.
D’après les chiffres de l’ACLED, le nombre d’opérations menées contre les civils est passé de 184 entre janvier et octobre 2023 à 239 en 2024 sur la même période. Le nombre de morts a drastiquement augmenté, de 632 en 2023 à 1021 en 2024.
Les droits d’expression réduits au silence au Niger
À l’instar de ses voisins burkinabé et malien, le gouvernement nigérien s’applique à faire taire toute voix dissidente et à mener des répressions contre les journalistes, les opposants et les acteurs de la société civile. Nombre d’entre eux sont menacés, enlevés, arrêtés arbitrairement. Plusieurs journalistes s’autocensurent, par peur des représailles. À ce jour, le président Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus depuis la prise de pouvoir en août 2023, malgré les demandes de libération de la communauté internationale.
Quelle justice pour les citoyens ?
Le retrait des États de l’AES de la CEDEAO semble réduire les possibilités de justice pour les civils. De fait, depuis la modification du Protocole original de la Cour de Justice de la CEDEAO en 2005, les citoyens des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont la possibilité de déposer plainte auprès de la Cour de Justice de la Communauté sans passer par les tribunaux locaux. Cette Cour juge entre autres les affaires liées aux violations des droits humains. Elle peut recevoir les membres de la CEDEAO, des personnes morales et physiques, des tribunaux.
Malgré les verdicts marquants de jugements rendus pour les droits humains pour les trois pays de l’AES, leurs gouvernements estiment pouvoir se passer de cette Communauté et de sa Cour de justice. En se retirant, ils privent les citoyens du Mali, du Niger et du Burkina Faso de l’espoir de voir un jour justice rendue pour les exactions subies.
Constantine
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