Le 27 août dernier, un rapport de The Sentry a révélé comment les mercenaires russes de Wagner ont systématiquement miné la cohésion des Forces armées maliennes (FAMa) depuis leur arrivée en 2022. Trois ans après leur déploiement, leur bilan est consternant : tensions internes exacerbées, insécurité galopante et échec patent dans la lutte antiterroriste. Pire, leur présence aurait davantage servi leurs intérêts économiques que la stabilité du pays.
La publication du rapport par l’organisation d’investigation The Sentry lève le voile sur une réalité alarmante : l’ingérence des mercenaires russes a profondément fracturé les FAMa. Selon l’enquête, Wagner a systématiquement ignoré la chaîne de commandement malienne, menant des opérations non autorisées qui ont causé des pertes matérielles et humaines. Les soldats maliens rapportent des cas où des véhicules et des équipements ont été perdus lors d’opérations improvisées, laissant leurs unités sans moyens de riposte face aux insurgés.
Cette situation a créé un climat de défiance généralisée. Des sources militaires citées par The Sentry évoquent un “traitement préférentiel” accordé aux Russes, notamment en matière d’évacuation médicale, alors que les troupes maliennes souffrent de pénuries criantes. Cette injustice perçue a atteint son paroxysme avec les arrestations de plus de 30 officiers en juillet dernier, accusés de comploter contre le gouvernement militaire. Les enquêteurs de The Sentry lient directement ces purges aux frustrations accumulées face à l’impunité des mercenaires.
Un exemple frappant de cette dynamique destructrice est l’embuscade de Tinzaouatène en juillet 2024, où environ 80 mercenaires russes et une cinquantaine de soldats maliens ont été tués. Cet échec cuisant a révélé non seulement l’incompétence opérationnelle de Wagner, mais aussi son incapacité à coordonner ses actions avec les forces locales. Le rapport souligne que cette défaite a profondément ébranlé la confiance des maliens envers leurs propres institutions militaires.
Les conséquences de l’échec de Wagner sur la sécurité malienne
L’analyse des données de l’Acled (Armed Conflict Location & Event Data Group) est accablante : le nombre de morts liées aux djihadistes a bondi de 736 par an avant 2022 à 3 135 par an depuis l’arrivée de Wagner. Cette année, près de 2 000 civils ont déjà péri, confirmant une tendance à la hausse inquiétante. Ces chiffres démontent le mythe de l’efficacité opérationnelle des mercenaires russes.
Le rapport de The Sentry révèle une stratégie profondément contre-productive : plutôt que de cibler les groupes terroristes, Wagner aurait systématiquement ciblé les populations civiles, créant un cercle vicieux de violence. Un soldat malien interrogé par l’organisation américaine a décrit des méthodes avec des exécutions sommaires et des “prisons à ciel ouvert” imposées à des villages entiers.
Sur le plan économique, l’échec est tout aussi flagrant. Malgré leurs promesses, les mercenaires n’ont pas réussi à sécuriser les zones minières, ni à établir de partenariats viables avec le gouvernement malien. Le président Assimi Goïta aurait bloqué leurs tentatives d’accaparement des ressources, ce qui a encore accru les tensions. Le rapport conclut que “pour Wagner et Africa Corps, aucune entreprise viable n’a été créée ; les relations avec l’armée se sont détériorées ; et la réputation redoutable du groupe a été entachée par une série de revers militaires”.
Le cas malien démontre que l’engagement de Wagner n’a fait qu’aggraver les fractures existantes et alimenter l’insécurité. Face à cet échec criant, The Sentry appelle à des enquêtes internationales pour faire la lumière sur les crimes commis et à une refonte urgente de la stratégie sécuritaire. Pour le Mali, le défi sera désormais de reconstruire une armée unie et de restaurer la confiance d’une population profondément meurtrie par trois années de chaos.
Constantine
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