La diffusion d’une interview de 2 heures 40 minutes, dans laquelle neuf anciens mercenaires de Wagner critiquent violemment les Forces Armées Maliennes (FAMa), relance le débat sur la présence russe au Mali. Arrivés en fin 2021, les mercenaires de Wagner ont officiellement quitté le pays en juin 2025, remplacés par l’Africa Corps. Les exactions commises par Wagner et les tensions avec les forces maliennes soulèvent des questions sur la nature réelle de ce partenariat.
Un échec militaire cuisant : à qui la faute ?
Wagner a été sollicité par les autorités maliennes fin 2021, alors que les forces françaises quittaient le pays. Officiellement déployé en janvier 2022, le groupe a quitté le Mali en juin 2025, remplacé par l’Africa Corps, une force paramilitaire contrôlée par le Kremlin et composée à 70-80% d’anciens membres de Wagner.
Depuis leur arrivée, le partenariat russo-malien fait face à des difficultés constantes avec la progression des groupes armés terroristes. La bataille de Tinzaouatène en juillet 2024 en est le parfait exemple avec un bilan très lourd. Ces combats ont coûté la vie à une cinquantaine de soldats maliens et à plus de 80 mercenaires russes, sans compter les blessés et les pertes matérielles. Cette défaite a porté un coup dur à la réputation de Wagner sur le continent africain.
manque de professionnalisme
Après la débâcle de Tinzaouatène, les mercenaires ont reproché aux forces maliennes de ne pas fournir le carburant nécessaire pour rapatrier leurs corps, accusant Bamako de «manque de professionnalisme» et d’un manque de discrétion problématique, les soldats maliens publiant même leurs positions sur les réseaux sociaux.
Ces reproches ont nourri une discorde croissante entre les deux camps, visible lors de la récupération des corps des combattants tombés.
Quand les actes et les paroles s’accordent
Si la bataille de Tinzaouatène semble avoir été un tournant dans les relations entre les forces russes et maliennes, le comportement de la SMP n’a fait qu’alimenter ce ressentiment.
Les exactions attribuées à Wagner se sont intensifiées : selon l’ONG Acled, 866 civils ont été tués en 2024 par Wagner et l’armée malienne, lors de 215 «incidents», contre 78 décès de civils lors de 39 «incidents» en 2021, avant leur arrivée. Le cas le plus emblématique est celui de Moura, en 2022, où plus de 500 personnes ont été tuées par l’armée malienne et Wagner.
La question du matériel est également devenu un sujet sensible entre les deux «partenaires». Le détournement d’armes maliennes par les mercenaires a été documenté par l’ONG GI-TOC (Global Initiative against Transnational Organized Crime) : les combattants de Wagner se sont appropriés des mitrailleuses, véhicules blindés et drones initialement destinés aux forces armées maliennes. Ce vol d’équipement a été facilité par le paiement mensuel de 10 millions de dollars fourni par Bamako, mais les mercenaires ont aussi «saisi les armes lors des affrontements» et «volé dans les stocks officiels».
Les soldats maliens y sont qualifiés de «peureux»
Cette relation déjà oppressante est aggravée par l’image que les Russes ont de leurs partenaires et qu’ils n’hésitent pas à partager. Les témoignages vidéo des anciens mercenaires, diffusés dans l’interview de 2 heures 40, sont truffés d’insultes envers les forces maliennes. Les soldats maliens y sont qualifiés de «peureux», «incompétents» et «voleurs», tandis qu’ils se plaignent aussi de leur «manque de professionnalisme». Ces propos révèlent une image négative, profondément ancrée chez les mercenaires russes, considérant les forces maliennes comme incapables de mener la guerre.
Le rapport de The Sentry démontre également les différences de traitements entre les Russes et les Maliens. Les mercenaires reçoivent des salaires nettement plus élevés, sont prioritaires pour les évacuations médicales et la livraison de matériel, ce qui conduit les soldats maliens à se sentir frustrés et marginalisés.
Ces inégalités renforcent les tensions et confirment que le partenariat n’a jamais été égalitaire. Il repose sur une milice russe profitant des ressources et de la main-d’œuvre locale sans réelle coopération stratégique.
Constantine
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